01 novembre 2010

MV Agusta F4 vs Honda CBR 1000 RR





Je vais être honnête, je n'ai jamais aimé particulièrement les MV Agusta. Leurs lignes tendues ne m'ont jamais flatté la rétine et le jour ou j'ai pu commencer à en rouler, je fus massivement déçu. Entre un moteur hargneux et violent associé à une partie-cycle particulièrement rétive, un inconfort flagrant avec une position de conduite beaucoup trop typée sportive en appui sur les poignets, un ensemble coque arrière-selle qui vous coupait la circulation dès que vous déhanchiez et pour finir la chaleur de la ligne d'échappement qui vous brulait l'intérieur de la cuisse droite comme pour vous dire «mais roule, ronondjudju !!!», je rendais les machines avec un plaisir non dissimulé. 

Et pourtant, immanquablement j'y revenais ! F4 1000 R, 312R, 1078R et CC...ça commence à faire, en toute modestie ! Même constat à chaque fois, même sentiment mitigé de ma part ! Je ne suis jamais parvenu à tirer la substantifique moelle de ces motos. Le mythe de la marque de Varese passait à coté de moi sans m'effleurer et avec lui ses 37 titres de champion du Monde.







Quand j'ai reçu l'invitation de Claudio Rizotto, responsable export de la marque, pour venir découvrir la nouvelle F4 à Milan, je dois dire que je fus surpris. Pour présenter en plein crise économique et en pleine tourmente administrative son nouveau modèle phare, il fallait être fou ou italien. L'enjeu était de taille pour l'usine car après plus de 10 ans d'un même design initié par le génial Tamburini, plus ou moins retouché au fil des nouveaux modèles, il fallait séduire sans offenser les puristes et conquérir une place dans un marché toujours plus concurrentiel. Car si elle reste une niche au sein même des volumes de vente, l'hypersportive reste l'image de marque par laquelle les constructeurs communiquent. Et force est de constater que, dans ce secteur, MV Agusta fut loin d'être à la page. «Machine de salon, onéreuse, exclusive...», tels étaient les qualificatifs entendus et comme dirait l'autre «c'est pas faux !!».








Il fallait donc changer sans déranger et ce qu'on peut dire, c'est qu'en voyant cette nouvelle machine, le pari est réussi. En affinant la tête de fourche, la ligne séduit sans cassure jusqu'à l'optique arrière. Les flutes d'échappement auparavant rondes ont cédées la place à des rectangles biseautés du plus bel effet et les larges ouvertures de chaque coté du carénage renforcent l'agressivité et s'intègrent parfaitement à l'ensemble. Les jantes en étoile et à batons soulignent un peu plus le caractère sportif. Personnellement, j'adore ! La ligne flatte (enfin) la rétine et ne demande qu'une chose :«et si je te montrais ce que j'ai dans le ventre ?!» Et de ce coté aussi, il y a révolution. Passant de 1078cc à 998cc, le 4 cylindres maigrit mais ce sont tout de même 186ch à 13500 trs/mn qui se bousculent au vilo. Gestion électronique Magnetti Marelli retouchée pour un meilleur feeling, traction contrôle disponible sur 8 positions, nouvel embrayage, chassis plus léger revendiquant désormais 192,5 kg à sec, fourche Marzocchi de 50mm à l'avant et combiné Sachs à l'arrière, freins monoblocs radials Brembo...Que du nouveau et que du bon ! 



Bon c'est bien gentil tout ça mais globalement, ça donne quoi sur la route ? 



Impatient va ;) J'y viens. 

Pour comparer cette italienne au sang bouillonnant, il me fallait une référence. L'Europe revenant en force sur le terrain des hypersportives, j'aurais pu la confronter à la nouvelle S1000RR ou à l'Aprilia...mais d'autres de mes confrères s'en sont déjà chargés et il me fallait prendre une valeur sûre et établie. Sur ce point, on fait peu d'erreur avec la CBR 1000 RR. Facile de prise en main, évidente à tous les niveaux, la Honda combine parfaitement tous les avantages de la sportive utilisable au quotidien tout en offrant un niveau de performance très élevé pour nos petites mimines de motards bi-neuronals. Le 4 cylindres japonais n'est pas le plus puissant de la catégorie offrant tout de même 171ch 12200 trs/mn. Sortie en 2008 avec un design remanié et audacieux pour le géant japonais, la Honda a su trouver son public et sa place dans les rangs très disputés des hypersportives. Cependant, la course à l'armement pousse les constructeurs à offrir toujours plus aux motards lambda que nous sommes. Et la CBR qui passait pour offrir un gabarit de 600 avec une surprenante agilité et des suspensions de qualité se voit aujourd'hui dépassée par tout un tas de jeunettes au dents longues et à l'apétit véroce. 








Gaaazzz...

Rien qu'au démarrage, on se rends bien compte que si ces deux machines partagent la même planète, elles ne sont définitivement pas du même monde. Quand il faudra tendre l'oreille pour savoir si le moteur tourne, la MV, d'emblée, vous distille une mélodie reléguant le chant des sirènes à un casting de la star'Ac...Rauque et pétillant, respirant la compétition, on tourne la poignée juste pour le plaisir de faire monter le moteur dans les tours. 




Dès les premiers tours de roue, les différences sont flagrantes. Quand la MV vous place le buste très en avant, la Honda vous ménage les poignets et la bas du dos. Si l'assise de l'italienne a peu evoluée, la finesse de son réservoir vous permet de vous incruster et de ne la tenir qu'avec vos jambes. Équilibrée et agile, elle vire toute seule d'une pression sur les repose-pieds. L'évolution sur le filet de gaz en ville est grandement facilité par la nouvelle injection électronique même si on sent qu'elle n'est pas prévu pour ça. Les maîtres-cylindres Nissin n'ont pas changés et l'embrayage est toujours un vrai calvaire. Dur dur de trouver le point de cirage pour démarrer en douceur en évitant les envolées lyriques. Car, pour corser le tout, la MV «sans chevaux», full légale si vous préférez, est bridée à la poignée avec une cale. On se retrouve à fond avec moins d'un quart de tour. Pire qu'avec une 34ch. Difficile de trouver le bon dosage avec moins de 5mm de tirage et caler avec ce genre de machine relève du grand moment de solitude digne d'un Bigard...sans commentaires. A ses cotés, la Honda fait figure de salon roulant. Avec ses repose-pieds placés légèrement plus en avant, les demi-guidons un peu plus hauts, la position de conduite est beaucoup moins radicale et la douceur des commandes vous fait bien comprendre qu'on est la pour vous câliner et pour vous donner confiance avant de souder la poignée.







En parlant de souder la poignée justement, ce sont vers les virages du Gatinais en direction de Milly la Forêt, Arbonnes et Archères que nous avons jeté notre dévolu. Il existe là-bas une foule de virages au bitume varié qui devrait nous montrer ce que ces deux bécanes ont dans le ventre. Dès que la circulation se fait plus fluide, je suis étonné par la vivacité de la MV. Son train avant est précis et retranscrit avec un excellent retour toutes les infos de la route. Oublié le coté camionesque de l'ancienne version, cette italienne accepte l'improvisation en limitant l'engagement du pilote. Il suffit de l'inscrire pour qu'elle se dirige au millimètre près là ou vous désirez aller. Une courbe qui se resserre, pas de soucis ! Alors qu'avec l'ancienne, les gouttes de sueur vous auraient déjà embuées la visière. Que nenni avec cette version qui acceptera d'improviser autant que de vous offrir une belle stabilité dans les courbes à haute vitesse. Derrière la Honda suit, tranquille mais pas si sereine. Plus massive dans les enchainements et dans les grandes courbes, elle rassure son pilote mais ne bénéficie pas de la même agilité. Du coup, on la sent plus pataude et le retour d'infos ne se fait pas de manière aussi limpide et immédiate. En quittant les grandes enfilades pour des chemins plus chaotiques, la MV montre le second aspect de son visage. La belle se transforme en bête...les accélérations à partir de 3000 trs/mn se font rageuses tant et si bien qu'en jouant avec la boite pour compenser le bridage, on a l'impression d'être sur une vraie machine de course. Le son du moteur vous prends aux tripes comme celui d'une Ferrari, les décélérations ponctuées de coups de gaz aux rétrogradages font penser à des coups de fusil. Et le charme agit au fur et à mesure. On met gaz juste pour savourer les envolées lyriques et on prends les freins, puissants mais dosables au demeurant, en faisant claquer un coup de gaz juste pour entendre la mécanique vivre et s'exprimer. A son guidon, on bouge comme sur une machine de course. Le réservoir redessiné et la nouvelle coque arrière permettent de se déplacer sans souci. Gauche, droite et sans forcer sur les guidons, la MV se joue des virages comme qui rigole. Les Pirelli Supercorsa SC2 de série sur la machine mordent le bitume et ne seront jamais pris en défaut. On se surprends même à remettre gaz sur l'angle et à laisser une jolie trace noire tellement l'accroche est démentielle. J'ai la banane sous le casque et je suis sur d'avoir mis un vent à mon pote sur la Honda. Je me retourne (pas la peine de regarder dans les rétro, ils ne vous renverront que l'image de vos avants-bras...:p) et je le vois à une centaine de mêtres derrière...Ouhla, c'est quoi cette histoire ? L'aurais pris du niveau le garçon ? Non, non...il a juste la Honda. Et cette remarque reflète toutes les différence de philosophie entre ses deux machines. Car loin d'être aussi efficace que la F4, la CBR permettra à son pilote de suivre et d'enchainer courbes et épingles sans forcer. Dès que les routes se dégradent, l'italienne retrouve ses gènes de pistardes alors que la japonaise encaissera les bosses sans sourciller. Le constat fut encore plus limpide du coté d'Arbonne, lieu d'entrainement de la gendarmerie mobile. J'avais vu passer notre chère bleusaille quelques jours avant et envoyer du très gros sur cette route. Et je m'étais dit que ce serait le terrain de jeu idéal pour tester les suspensions de nos deux sportives. Après tout, Denis Bouan a bien gagné le Moto tour sur la CBR en l'emmenant avec force sur ce genre de terrain. La MV s'en sortirait-elle avec autant de brio ? Sans prétendre concurrencer Denis, j'ai compris au deuxième virage que j'allais souffrir et que la belle efficacité que la F4 m'avait précédemment démontrée allait se ternir passablement. De naturelle, presque intuitive, je me suis retrouvé aux bracelets d'une machine rétive, refusant de s'inscrire dans les courbes dès lors qu'elle avait déjà les bosses à gérer. Impossible à balancer sans la forcer, la MV m'a fait suer pour tenir un rythme correct sans être rapide, la Honda avalant par ailleurs ces difficultés avec une facilité déconcertante. Et je l'avoue, j'ai douté...comment cette machine pouvait-elle m'avoir charmé autant et démontrer d'authentiques qualités de «routières» et se montrer aussi difficile sur cette route ? 

Homogène de caractère, la Honda est une machine passe-partout, une belle mécanique bonne à tout faire qui avalera les kilomètres en vous ménageant (toute proportions gardées, ce n'est pas une Gold non plus !), vous permettra de poser vos roues sur la piste dans la foulée et d'emmener «maman» à la mère le we.








L'italienne a des gènes de pistardes dans le sang. Elle transpire la course par tous ses flancs et le bond en avant réalisé avec cette nouvelle machine ne fait pas oublier d'où elle vient et pourquoi elle fut conçue. L'usine se targue de produire des machines de piste dédiées à la route. Cela tenait plus de la raillerie sur les précédentes. Avec celle-ci, c'est totalement vrai ! Tant que vous éviterez les routes de rallye, la F4 vous gratifiera de sensations magiques en vous prenant par la main pour exploiter son fabuleux potentiel. 

Au chapitre des détails qui fâchent et qui énervent, car il en faut et il y en a, la MV tient la 1ère place. Vitesses qui sautent entre la 1ère et la 2nde, témoin d'huile caché par le flanc du carénage (il faudra enlever 7 vis ¼ de tour pour y accéder), guidons bracelets bien trop cintrés sur la MV (vous y laisserez un pouce), le compte-tour fourni un chrono embarqué mais avec un bouton de déclenchement à la main droite....vous vous voyez lacher les gaz pour enclencher le chrono vous ?...pas moi...;) et une finition générale en baisse. La Honda vous ménage quant à elle mais n'est pas exempte de petits détails qui agacent. Surtout lié à l'ABS qui, une fois le moteur coupé, ne donne plus aucune consistance au levier de frein. Ce qui m'a couté une chute à l'arrèt, faut de pouvoir stopper la machine ! Le confort ensuite...ok nous sommes sur des sportives mais 350km sur la Honda et vous sentirez toutes les petites coutures de votre pantalon au contraire de la MV qui révèle plutot «agréable» dans cet exercice.

Au final, que retenir d'un match qui semblait jouer d'avance ! Que la F4 fait preuve d'un potentiel incroyable sur tout type de route mais que son caractère ne la destine qu'à des belles enfilades rapides et doté d'un bitume proche d'un circuit alors que la CBR vous donnera tout l'agrément d'une sportive au quotidien. Mais le charme a pris et aujourd'hui, malgré tous ses défauts, la MV Agusta me mettra toujours une pure banane sous le casque. J'ai craqué....:D








Merci à la concession Accélère Motos, http://www.accelere-motos.com/ , de Chalons-sur-Saone (71) de nous avoir prêté la MV Agusta les yeux fermés ! Passionné de compétition, il s'est engagé en FSBK il y a 3 ans avec Lionel Bergeron et a remis le couvert cette année en soutenant Cédric Parmentier,http://www.mce43.fr/sponsoring_088.htm , au Dark Dog Moto-tour. Le garçon mets du gros gaz et a terminé 4ème au scratch avec une Brutale 1078.

Sachez que Jérome, le boss, fait essayer sa machine en «full» légalité européenne, il en faut compte-tenu de l'ambiance actuelle. Au sein de ses 600m², sa concession propose MV, Aprilia et un Maxess récemment ouvert. Quelques 700m² supplémentaires viendront s'ajouter dans le courant de l'année ! Je vous invite à aller le voir, des mecs comme ça, il en existe peu et ça fait du bien !

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